Vers la création d’une entreprise publique pour la gestion des biens confisqués

Publié le Mardi 19 Février 2019 à 07:06
TAP - Le gouvernement propose la création d'une agence ayant le caractère d’une entreprise publique dirigée par un conseil d'administration et chargée de gérer les fonds confisqués, a déclaré lundi le ministre de la Justice, Mohamed Karim Jamoussi.

Dans sa réponse aux interventions des députés lors d'une séance plénière consacrée toute la journée à un dialogue également avec les ministres des Finances, des Domaines de l'État et des Affaires Foncières sur le dossier des biens expropriés et la discussion du rapport de la Commission de la réforme administrative et le contrôle de la gestion des deniers publics dans le système de confiscation, de gestion et de restitution, Jamoussi a reconnu l’existence de "la difficulté de coordination entre les acteurs de la gouvernance des fonds confisqués ainsi que l’existence de vides législatifs".

D'autre part, le ministre a précisé que la demande de gel des fonds des personnes objet de confiscation en dehors du territoire tunisien ne pouvait dépasser 10 ans au maximum. Il a indiqué que gouvernement "avait décidé de lever le gel des fonds des personnes impliquées dans cette procédure chaque fois que la personne concernée répondait à la demande de fourniture d'une garantie bancaire équivalent ou dépassant la valeur des fonds gelés à l'extérieur de la Tunisie, ainsi que la fourniture d'un engagement et d'autres mesures".

Sur le retour de fonds tunisiens pillés à l'étranger, le ministre de la Justice a déclaré que le résultat de ces efforts "n'était pas à la hauteur des espoirs et n'a pas dépassé la restitution de deux yachts, deux avions et une somme d'argent ne dépassant pas 4 millions d'euros".

Il a attribué ce "modeste bilan", après plusieurs années de révolution, à "la complexité des procédures judiciaires, à la durée des procès et au jugement par contumace par la justice tunisienne des personnes impliquées", des procédures jugées par la législation de nombreux pays, "contraires aux fondements d'un procès équitable".

La restitution des fonds "reste tributaire du degré de la coopération des pays avec lesquels la Tunisie est associée à des accords de coopération judiciaire".

En ce qui concerne les biens confisqués en Tunisie, le ministre de la Justice a indiqué que seules 278 entreprises des 646 confisquées en vertu des décrets émis en 2011 sont actuellement sous le coup d'une décision de justice, ce qui représente une intervention judiciaire de l'ordre de 52% environ du total. La gestion immobilière, par le biais de gérants commis d'office, ne représente que 17%, soit 180 biens sous la responsabilité de gérants judiciaires, sur un total de 578 biens confisqués.

Jamousi a reconnu devant les députés du peuple que le système judiciaire tunisien "n'est pas adapté à traiter le système de confiscation", soulignant que de nombreuses affaires sont toujours en instance devant la justice la qualifiant d"impartiale et jouant son rôle dans le règlement des affaires dont elle est saisi". Il a passé en revue à cet égard les procédures judiciaires dans l'affaire des biens de l'homme d'affaires Mohammed Marouane Al Mabrouk.

Un certain nombre de députés, notamment Mongi Rahoui, Chafik Ayadi (Front populaire), Samia Abbou et Salem Labiadh (Bloc démocratique) ont focalisé une partie importante de leurs interventions au cours de la séance de l'après-midi devant les trois ministres pour évoquer le dossier controversé de Marouane Al Mabrouk.

Samia Abbou a estimé que "l'Etat qui est responsable de la sauvegarde des deniers publics était partie prenante d'une escroquerie menée par Al Mabrouk". De son côté, Ayadi a affirmé qu'il s'adresserait à l'Union européenne et soumettrait à ses collègues de l'ARP une pétition parlementaire demandant le maintien du gel des fonds. "Il n'y a aucune volonté politique de la part du gouvernement de lutter contre la corruption", a-t-il déclaré à ce propos.

Pour sa part, la députée du groupe parlementaire de la Coalition nationale, Laila Hamrouni, a estimé que la question des biens confisqués "est devenue un dossier réquisitoire contre le gouvernement".