Tunisie : Le CRLDH vole au secours de Youssef Seddik et fustige le CIS

Publié le Lundi 06 Juillet 2015 à 09:58
Youssef Seddik est un de nos intellectuels les plus actifs sur la scène public. Depuis la révolution, il n’a pas ménagé ses efforts pour contribuer à la construction d’une éthique du débat indispensable à la culture démocratique que nous appelons tous de nos vœux, indique le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie CRLDH, dans un communiqué dont une copie est parvenue à Gnet.

Grand connaisseur des questions religieuses, il parcourt le pays pour dispenser une parole pédagogique fondée sur la connaissance précise de notre religion contre le fanatisme et le charlatanisme.

Youssef Seddik vient d’être la cible d’une campagne pour le faire taire en l’accusant, en des termes à peine voilés, d’apostasie. Il a l’habitude de ces campagnes provenant des officines du takfir sur les réseaux sociaux … Sauf que cette fois-ci, l’attaque, d’une rare violence, vient d’un organisme qui officie au cœur du gouvernement. D’une institution nommée pompeusement Haut Conseil de l’islam (ndlr : Conseil islamique supérieur) rattaché à la présidence du gouvernement.

Il s’agit d’une institution hérité d’un temps où certains courants politiques rêvaient d’instaurer la charia et de constitutionnaliser ledit Conseil pour veiller au caractère charaïque de notre système juridique. L’entreprise a tourné court. Mais les prédicateurs n’ont pas désarmé.

Hier encore, une sainte alliance entre l’ancien ministre des Affaires religieuses, l’inénarrable Conseil supérieur de l’islam et les représentants les plus rétrogrades de la Zitouna, s’est illustrée par son opposition véhémente à l’adoption l’article 6 de la Constitution jugé attentatoire à notre « identité arabo-musulmane » parce qu’il stipule la liberté de conscience et pénalise le takfir.

Aujourd’hui, en s’arrogeant un pouvoir moral qu’il n’a pas, le Conseil, par sa condamnation et son appel indirect au lynchage de Youssef Seddik, ne recule pas devant la violation pure et simple de la Constitution.

Le Conseil apparaît ainsi pour ce qu’il est : la survivance incongrue d’un autre temps.
Il faut sans doute ajouter que cette cabale intervient dans un contexte de retour d’un certain ordre moral dont la sourde complicité des acteurs est de plus en plus perceptible. Il y a une évidente solidarité entre ceux qui rattachent le terrorisme aux mœurs dissolues « des amateurs de dance et de zatla » et non plus au jihadisme, ceux qui minimisent le rôle des prêches incendiaires dans le développement de la violence et la responsabilité de certains  prédicateurs dans l’envoi de centaines de jeunes dans l’enfer syrien et irakien…

Face à cette culture mortifère qui relève la tête sous couvert de lutte contre le terrorisme, nous devons nous mobiliser pour défendre les valeurs démocratiques, la liberté d’expression, la liberté de conscience dont Youssef Seddik est aujourd’hui un des emblèmes.
En limogeant le président du Conseil, le gouvernement a fait un premier pas, nous l’appelons à se montrer aussi ferme, vis-à-vis des auteurs de cette campagne indigne pour censurer un homme libre, qu’il entend l’être vis-à-vis de l’activisme proto-jihadiste dans des dizaines de mosquées.

Au-delà du gouvernement, nous appelons toutes les forces démocratiques du pays à prendre la mesure de cette dérive et à réagir contre les tentations de la régression dans la construction de notre démocratie.  
Communiqué