Tunisie : "Il faut que les élections aient lieu cette année" (Ghannouchi)

Publié le Vendredi 28 Mars 2014 à 14:51
Rached Ghannouchi "Il  y a eu débat autour des personnes ayant appelé l'ancien président à se représenter, et ce sujet a été remis aux mains de la justice transitionnelle qui s'en occupera...de toute façon, je ne pense pas que les figures de l'ancien régime aient un avenir politique lors des prochaines élections", a déclaré ce matin Amer Laaridh,  membre du bureau politique du Mouvement Ennahdha, au sujet de la position de son parti concernant le projet de fortification de la révolution, longtemps débattu. Il a ajouté que son parti n'a pas l'intention d'exiger l'introduction de cette exclusion dans le code électoral. 
 
Au sujet de la tenue des prochaines élections, Amer Laaridh a déclaré que la constitution exigeait l'organisation d'élections avant la fin de l'année 2014, estimant qu'elles se tiendraient à la fin de l'année, "en novembre ou en décembre".
 
Il a précisé qu'Ennahdha tenait à la poursuite du dialogue national " qui constitue un moyen de résoudre les problèmes et à préparer un meilleur terrain aux élections".

Selon Amer Laaridh, le mouvement n'a toujours pas décidé de son candidat aux présidentielles " qui pourrait être un candidat partisan ou indépendant, nous n'avons  choisi personne pour l'instant. Et nous sommes face à toutes les possibilités", a-t-il dit.

Ghannouchi reconnaît les réformes de Bourguiba
 Dans le cadre de la troisième conférence internationale du Centre Islam et Démocratie sur les réalisations et défis de la transition démocratique en Tunisie, Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, s'est également longuement exprimé sur un nombre de questions, notamment sur des évènements historiques et leur impact sur la situation actuelle en Tunisie. 
 
Selon lui, toutes les réformes tentées sous l'ancien régime et celui d'avant, "ont échoué", reconnaissant toutefois les réformes apportées en matière de santé et d'éducation sous Bourguiba. 

"Durant le régime de l'indépendance, il n'existait aucune ouverture pour qu'il y ait succession au pouvoir de manière pacifique. Bourguiba est resté jusqu'à un âge avancé et aucun changement n'était possible qu'au moyen d'un coup d'Etat. Ben Ali avait pris, alors, le pouvoir, avec soi-disant l'intention de rompre avec la politique du pouvoir à vie. Mais il y a succombé, ce qui a provoqué la révolution", a-t-il dit. 

D'après Ghannouchi, si le peuple s'est soulevé contre l'ancien régime, c'est à cause des horizons "devenus fermés" et en l'absence de moyens de réformer le régime de l'intérieur, ajoutant qu'il était inutile de différencier entre le régime de Ben Ali et Bourguiba, qui sont "tous les deux des dictatures, durant lesquelles les gens suffoquaient". 

Le président d'Ennahdha reconnait dans son discours que les revendications de la révolution tunisienne "n'étaient pas à caractère idéologique mais à caractère social et économique, pour l'emploi et la dignité". 
 
Ce qui en a résulté, est "une liberté totale, sans presse censurée ni parole étouffée. Une liberté qui frôle parfois l'irresponsabilité", selon lui. Il estime par ailleurs, qu'il revient à Ennahdha un grand rôle dans le consensus "puisque le mouvement a choisi le chemin le plus complexe en s'alliant à des partis qui lui sont différents. Ennahdha aurait pu s'allier avec des partis islamistes pour atteindre la majorité, mais ne l'a pas fait...", a-t-il dit.
 
La constitution est selon lui une importante réalisation pour la Tunisie. "La constitution tunisienne est une concrétisation des rêves des réformateurs du 19ème siècle, qui ont rêvé d'une Tunisie musulmane, arabe, développée et moderne, dont l'Etat repose sur le principe de citoyenneté et de l'égalité entre les deux sexes. La constitution tunisienne est en parfaite cohésion avec les principes de l'islam", a-t-il affirmé. 
 
Concernant les défis du futur, Ghanouchi a mis en garde contre les tentatives de reporter les élections : "Quelques voix sont en train d'appeler à ce report. Ceci serait la première transgression à la constitution, et nous ne pouvons laisser faire. C'est la volonté du peuple que ces élections aient lieu cette année", a-t-il dit.

La lutte anti-terrorise et contre le chômage sont aussi, selon lui, les plus importants défis à relever : "Ce sont deux phénomènes qui se nourrissent l'un de l'autre et vice-versa. la preuve est que les quartiers pauvres sont le terreau du terrorisme, ce qui prouve la corrélation entre les deux", a-t-il dit, réfutant tout rapport existant entre son parti et les parties prônant le terrorisme. "Nous sommes d'ailleurs le parti qui a le plus perdu de la recrudescence du terrorisme. Le terrorisme a fait chuter deux de nos gouvernements", a dit Ghannouchi, accusant des courants islamistes "venus d'ailleurs". 
 
Interrogé sur son appréciation de l'expérience d'Ennahdha au pouvroir, Rached Ghannouchi a répondu que les prochaines élections " diront si Ennahdha a échoué ou a réussi son expérience. Si les citoyens lui accordent de nouveau leur confiance, c'est qu'ils estiment qu'il aurait dans l'ensemble réussi", a-t-il dit, rappelant que du temps d'Ennahdha "la croissance économique est passé de (-2) à (+3)...Il est vrai que nous n'avons pas éradiqué le chômage, mais ni le gouvernement actuel ni celui qui va arriver ne pourront le faire", a-t-il dit, expliquant que le chemin à parcourir serait long et complexe.
 
Pour l'avenir, le président du mouvement Ennahdha préconise une réforme de l'éducation "car Ben Ali l'a détruite. Il a commis un crime contre le système éducatif en accordant des diplômes à tour de bras, et par conséquent défendre Ben Ali est criminel", a-t-i conclu.

La conférence internationale s'est tenue ce matin, sans la présence prévue du président du gouvernement, Mehdi Jomaa, ni celle de Ahmed Nejib Chebbi, ni Beji Caid Essebsi qui s'est désisté sans donner d'explications, selon le président du Centre.  
 
Chiraz Kefi