Le conflit BCE/ Chahed va précipiter la fin de la contrerévolution (Marzouki)

Publié le Mardi 15 Janvier 2019 à 12:23
 Moncef MarzoukiL’ancien président de la république, Moncef Marzouki, considère que la révolution tunisienne a réalisé 50 % de ses revendications, dont la liberté, une nouvelle constitution, d’importantes institutions fondatrices de la démocratie, l’indépendance de la justice, l’instance de lutte contre la corruption et la protection des droits... Reste 50 % des objectifs liés au pain et à l’emploi, dont on n’a rien réalisé, pour de nombreuses raisons.

Dans un entretien avec le Journal algérien, el-Khabar, Marzouki se dit confiant que lorsque "la parenthèse de la contre-révolution qui est une partie du processus naturel des révolutions, aura été fermée pendant les élections de 2019, nous allons reprendre la bataille pour la réalisation des objectifs de justice sociale, du pain et de l’emploi pour les Tunisiens, qui ont fait la révolution aussi pour des raisons économiques".

Selon son opinion, les "médias corrompus" n’étaient pas à l’origine de la réussite de la contrerévolution, mais "il y a deux autres raisons : la première est le blocage de l’activité économique et l’arrêt de la consommation, chose normale, étant donné qu’en période transitoire, personne de l’extérieur, ni de l’intérieur ne daigne investir, dans la mesure où tout le monde est attentiste pour voir ce qu’il en adviendra de la situation. Pour la consommation, ceux qui avaient un peu d’argent, ils l’ont gardé de peur de l’avenir, et partant, nous avons vécu trois années où la machine économique était à l’arrêt, alors qu’elle était en marche, même dans une faible proportion, avant la révolution, ce qui a fait apparaitre à chaque observateur, que la révolution a mis à mal l’économie".

"La deuxième raison est la longue période de l’étape transitoire, qui a duré trois années du fait de la constitution et autre, alors qu’elle devait s’achever en une année, car plus la période transitoire s’allonge, plus les problèmes s’accumulent".

Le facteur le plus important est, a-t-il ajouté, celui extérieur, dans la mesure où la Tunisie était visée par de nombreuses parties, étant le point de départ des révolutions arabes, et du printemps arabe ayant fait peur à tous les régimes. "Je n’ai jamais pensé qu’un pays comme les Emirats, nous soit à ce point hostile, ils ont lâché le terrorisme sur la Tunisie, un terrorisme financé, ainsi que les médias corrompus en vue de mettre en échec l’expérience du printemps arabe".

Le président d’al-Harak évoque "une volonté régionale claire d’avorter le printemps arabe, qui l’a été par la guerre civile en Libye, Syrie et au Yémen et par le putsch militaire en Egypte. Alors qu’en Tunisie, ils ont tenté de le faire avorter par le terrorisme, les médias corrompus et l’argent sale…même si cela a été à l’origine d’un revers, il n’a pu mettre en échec l’expérience tunisienne dans son intégralité, je suis convaincu que l’on va réussir, car le peuple tunisien demeure conscient de ses réalisations". 

Selon ses dires, "la guerre ouverte entre le président de la république et le chef du gouvernement, issus de la même famille politique, est un moment de l’effondrement total de la contrerévolution qui est entrée dans une crise morale et politique, jointe à un total effondrement de l’économie tunisienne". Cela est de nature "précipiter", à ses yeux, "la fin de la contrerévolution en 2019, et nous permettra aux prochaines élections de remettre le train de la révolution sur les rails".

Marzouki estime qu’Ennahdha se heurte à une "situation grave", estimant que son alliance avec ce qu’il appelle la contrerévolution émane du fait qu’il avait peur du scénario égyptien, "c’est un choix qui pouvait peut-être régler leur problème à moyen terme, et non à long terme, étant donné que ceux qui les prennent en otage, continueront à le faire et à les extorquer, et en définitive, ils le pousseront à abandonner toutes ses constantes, sa personnalité  et ses principes politiques, à ce moment-là, Ennahdha va perdre ses bases et va finir politiquement. S’il opte pour l’affrontement, il sera attaqué, car il serait devenu tout seul, après avoir abandonné ses anciens amis, et sera une proie".
Gnet