Journée anti-torture : L’ACAT adresse une lettre ouverte à Habib Essid

Publié le Vendredi 26 Juin 2015 à 11:17
A l’occasion de la Journée Internationale de soutien aux victimes de la torture, l’ACAT, une ONG de lutte contre la torture et la peine de mort, adresse une lettre ouverte à Habib Essid, dont une copie est parvenue à Gnet, où elle l’appelle à lutter contre la torture et à mettre un terme à l’impunité. Ci-après cette lettre dans son intégralité :

L’ACAT vous écrit à l’occasion de la Journée Internationale de soutien aux victimes de la torture afin de vous informer qu’elle a reçu des milliers de messages de soutien aux victimes de torture Taoufik Elaiba et Rached Jaïdane faisant part de leurs préoccupations concernant l’impunité dont bénéficient leurs bourreaux. Ces messages viennent s’ajouter aux milliers d’autres que vous avez déjà dû recevoir. En 2011, le régime de Ben Ali était renversé.

Quatre ans plus tard, l’impunité des auteurs de torture et de violations graves des droits de l’homme commises avant et après la révolution demeure quasi-totale. Notre organisation estime que la lutte contre l’impunité des auteurs de violations graves des droits de l’homme fait partie des fondements de la construction d’un État de droit.

 

La Convention Internationale contre la torture et autres traitements ou peines cruels inhumains ou dégradants dispose que « Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction ». En 2016, la Tunisie sera examinée par le Comité contre la torture de l’ONU. L’ACAT invite votre gouvernement à traduire ses engagements sur la scène internationale de manière concrète.
 
Des réformes institutionnelles et législatives qui se font attendre

Loin d’être satisfaisantes, les réformes institutionnelles et législatives engagées depuis 2011 et notamment les réformes du Code pénal et de la Justice militaire en 2011, l’adoption de la loi sur la justice transitionnelle doivent être renforcées.
 
L’impunité quasi généralisée des auteurs de torture
L’État devrait assurer que les allégations de crime de torture soient suivies de l’ouverture d’enquêtes rapides, indépendantes et impartiales, que les auteurs soient poursuivis, condamnés et que les victimes obtiennent réparation.
 
Des victimes toujours en quête de justice

La torture continue d’être pratiquée sans que les auteurs ne soient poursuivis, les victimes de torture n’obtiennent jamais justice et les enquêtes pour torture n’enregistrent aucune avancée. Taoufik Elaiba, Rached Jaïdane et Ramzi Romdhani sont parmi les victimes de cette absence de justice. Le 10 avril 2015, Rached Jaïdane, arrêté il y a plus de 20 ans et torturé par des agents de l’État tunisien, a vu tous ses bourreaux acquittés à l’exception de Ben Ali, après un procès digne d’une parodie de justice. Rached Jaïdane est l’une des rares victimes de torture à avoir vu sa plainte donner lieu à une enquête et à une condamnation. Taoufik Elaïba est en prison depuis plus de cinq ans. Tuniso-Canadien, père de quatre enfants, il a été arrêté le 1er septembre 2009 par la garde nationale de Laaouina (banlieue de Tunis). Il a été torturé dans ses locaux pendant les six premiers jours de sa garde à vue, jusqu’à ce qu’il signe des aveux. Après plusieurs plaintes pour torture déposées par ses avocats, une enquête a finalement été ouverte plus de 32 mois après ces sévices puis abandonnée de facto. Depuis sa libération en janvier 2011, Ramzi Romdhani, torturé sous le régime de Ben Ali souffre toujours de graves séquelles physiques et morales résultant des multiples sévices subis. En juin 2013, il a porté plainte pour torture devant la justice tunisienne. Depuis, il subit un harcèlement croissant de la part de la police et de la justice et a été de nouveau arrêté à plusieurs reprises.
 
Le silence des autorités tunisiennes

Vous avez sans doute dû recevoir des milliers de messages de soutien à Rached Jaïdane et Taoufik Elaiba. En juin 2015, l’ACAT a envoyé à l’Ambassade de Tunisie une demande d’audience afin de remettre aux autorités tunisiennes les  milliers de messages de soutien et de faire part de ses préoccupations relatives à l’absence d’avancées dans la lutte contre la torture en Tunisie. L’Ambassade de Tunisie à Paris a opposé un silence total à cette demande. Nous vous les ferons parvenir très prochainement.
 
Le Comité contre la Torture des Nations unies examine actuellement des plaintes déposées pour torture contre la Tunisie. En 2016, ce même Comité examinera le rapport périodique de la Tunisie. L’ACAT espère que la Tunisie n’opposera pas le même silence au Comité qu’aux victimes de torture et aux organisations de défense des droits de l’Homme.
 
L’ACAT France vous remercie vivement d’avoir pris connaissance de cette lettre et espère pouvoir bientôt constater les signes d’une réelle volonté politique du Gouvernement dans la lutte contre la torture.
 
D'après communiqué