Etre femme journaliste : Un engagement et de nombreux défis (RSF)

Publié le Vendredi 06 Mars 2015 à 09:06
Le calvaire des femmes journalistes.A l’occasion de la journée internationale de la femme le 8 mars, Reporters sans frontières (RSF) met à l’honneur dix journalistes. Des femmes, aux profils différents, venues des quatre coins du monde, qui nous parlent de leur métier, de leur engagement mais aussi des défis et des risques spécifiques auxquels elles sont confrontées dans le cadre de leur activité professionnelle.

Longtemps réservé aux hommes, le métier de journaliste se féminise. Certaines ont fait le choix de se tourner vers l'investigation et dénoncent des violations des droits de l’homme, la corruption ou des sujets tabous dans une société donnée. Ce travail sur des sujets sensibles dérange et, tout comme leurs collègues masculins, ces journalistes sont victimes d'intimidations, de menaces, d'agressions voire d'assassinat. Mais parce qu’elles sont des femmes, les pressions prennent parfois des formes spécifiques, basées sur le genre, comme des campagnes de diffamation, des violences à caractère sexuel ou des menaces envers leurs familles. Le simple fait d’être une femme journaliste peut être considéré, dans certaines sociétés, comme “contraire aux normes sociales” et être à l’origine de représailles.

Dans une profession qui reste majoritairement masculine, de nombreuses femmes choisissent de garder le silence sur les difficultés et les risques spécifiques auxquelles elles sont exposées dans l’exercice de leur métier. Le bilan dressé par une étude globale de la Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF), publié en 2014, est sans appel. Près des deux-tiers des 977 femmes journalistes interrogées affirment avoir été victimes d’intimidations, de menaces ou d’abus en lien avec leur activité professionnelle. Dans un tiers des cas, le responsable était leur patron. Plus de la moitié des femmes journalistes ont été confrontées au harcèlement sexuel et plus d’un cinquième à la violence physique. Malgré l’impact psychologique de ces abus, le silence demeure la règle, la dénonciation, l’exception.
 
Certaines font le choix de témoigner. “J'ai été régulièrement menacée pendant deux ans par téléphone ou par lettres anonymes (...) Les auteurs m'exhortaient à quitter mon travail auquel cas je serais responsable de la mort des membres de ma famille”. Tel est le triste constat que faisait une journaliste afghane à RSF en 2014. Cette dernière a finalement fait le choix de démissionner tout en rendant publiques les pressions qu’elle a subies. Dans une société patriarcale, l’absence de protection de la part des autorités et l’impunité généralisée nourrit ce cycle de violence et incite certaines femmes à renoncer à leur métier.  

La sécurité physique reste de fait un défi constant pour la Syrienne Zaina Erhaim qui forme des citoyens-journalistes dans le nord du pays ou pour l'Afghane Farida Nekzad, fondatrice de l’agence Wakht News Agency. Hla Hla Htay,correspondante de l’Agence France Presse en Birmanie et Marcela Turatti, journaliste freelance pour Processo au Mexique, abordent les difficultés d’être une femme dans un « métier d’homme ». Noushin Ahmadi Khorasani en Iran et Mae Azango au Libéria témoignent du harcèlement dont elles font l’objet à cause de leur engagement journalistique pour les droits des femmes. Khadija Ismayilova, figure de proue du journalisme d’investigation azerbaïdjanais et Brankica Stanković, grande journaliste serbe ont elles dû faire face à des menaces à caractère sexuel. En République démocratique du Congo, Solange Lusiku Nsimire, seule femme rédactrice en chef d'un journal aux Kivus, s’inquiète pour sa famille, victime d’attaques et de menaces. Une inquiétude partagée par la Marocaine Fatima Al Ifriki qui a suspendu ses publications pour protéger ses proches.

Prenant acte des dangers auxquels les femmes journalistes sont confrontées, le plan d’action des Nations unies sur la sécurité desjournalistes et la question de l’impunité souligne “la nécessité d’une approche de genre”. Une approche qui demande à être urgemment mise en œuvre.

Communiqué